Le nouveau poète (tout comme son “lecteur”) doit acquérir une conscience spatiale spécifique. Ainsi le matiérisme de la parole exaltera-t-il, de manière paradoxale, sa valence transcendante, puisque c’est dans la dimension spatiale qu’elle apparaît comme le synonyme de la pureté absolue
Par Giovanni Fontana
Le travail poétique de Pierre Garnier marque un vaste domaine de la recherche intermédiale où la langue est matière sonore et visuelle, et l’espace en exalte les qualités dynamiques. En ce sens, avec le Manifeste pour une poésie nouvelle visuelle et phonique [“Les Lettre”, n° 29, 1963] et Un art nouveau : la sonie [“Les Lettres”, n° 31, 1963] il ouvre des espaces visuels et acoustiques mémorables, où il crée des tensions et des vibrations. Il libère les énergies potentielles et amplifie les énergies réelles. En fait, dès le début des années soixante, Pierre Garnier est à la recherche de nouvelles syntaxes et structures linguistiques, considérées comme des instruments d’animation d’espaces de communication externes aux codifications courantes.
Dans son “plan pilote du spatialisme”, Pierre Garnier ne considère pas la page comme un simple support, mais comme le champ d’action dans lequel il peut construire le poème : le geste inscrit dans l’espace de la page acquiert une valeur poétique et insuffle de l’énergie aux lettres, aux syllabes, aux mots qui sont organisés grâce à de nouveaux procédés syntaxiques de type géométrique. La poésie laissera transparaître sa valeur matiériste et deviendra objet.
Bien qu’insistant sur le rôle fondamental de la perception visuelle, ce travail de Garnier reste, de toute façon, essentiellement et délicieusement poétique, comme, peut-être, c’est encore plus évident dans la dimension sonore. En effet (on le verra) la poésie visuelle et la poésie sonore sont, pour Garnier, poésie à l’état pur.
Il considère l’espace visuel comme un champ extraordinaire pour l’activation de relations poétiques. Ou plutôt, il le choisit comme une véritable donnée structurelle. Les mots, les phonèmes et les lettres sont soutenus par d’invisibles nervures spatiales, qui, dans un jeu réciproque de soutien, sont lancées et relancées par le même matériel verbal. Les mots sont disposés comme des grumeaux de sens qui s’animent grâce aux relations géométriques d’une pureté absolue. Clairs. Transparents. Il s’agit de mots-objets qui englobent en eux-mêmes les caractères des géométries suggérées par les relations qui les innervent. Il s’agit de dispositions spatiales engendrant des tensions, de rapports géométriques qui finissent par devenir des “mots”. Il s’agit de rencontres, d’accrochages, de fusions et de diffractions, de reflets, d’associations et de divergences, deconjugaisons éthérées et de nœuds matiéristes, de liens visibles et invisibles. Il s’agit de formes poétiques qui exaltent les lettres et les mots, où les mots doivent être considérés comme des évènements ou comme des objets. À partir de ses premiers “poèmes à voir”, l’espace est le champ d’impacts violents ou de légèretés insolites. De concrétions ou de pulvérisations. De découpages avisés et de recoupes surprenantes. D’alignements. De superpositions. De glissements. De décompositions et de recompositions. D’articulations. De stratifications engendrant des sonorités optiques. De frétillements. D’essaims. D’animations. C’est comme si les mots étaient mis en scène. Et en effet, ils s’animent sur la page en interprétant des rôles précis. Parfois avec une valeur mimétique. Parfois avec une valeur symbolique. Souvent avec un découpage bruitiste et avec des valences sonores. Il s’agit de mots qui, même s’ils semblent cristallins et légers, laissent transparaître tout le poids et l’épaisseur des dynamiques du langage, le sens du temps, la densité sensuelle et mystérieuse d’un univers de signes et de sons qui ont leur origine dans les plus lointaines obscurités, qui sait où et quand ! Dans les méandres des viscères et des cerveaux. Tandis que la nature délivrait ses premières lueurs de culture. Ces mystères renfermés dans les mots peuvent s’illuminer parfois grâce aux sollicitations des relations géométriques en acte. Des étincelles peuvent se produire à l’improviste. Des sons effarants peuvent être perçus. Des profils inattendus sont révélés. Sur la ligne d’horizon des mots et de leurs géométries internes et externes, la “lecture” provoque des métamorphoses qui creusent dans les formes tout en libérant de nouveaux sens. Les textes dénoncent leur mobilité et, de toute façon, stimulent la participation du “lecteur”, qui doit se laisser “impressionner” par des sollicitations psycho-physiques. Dans l’œuvre de Pierre Garnier, en effet, l’aspect cinétique de nombreuses compositions joue un rôle important, de par des dynamiques internes ou externes à la matière verbale. En tout cas, la participation active du “lecteur” est recherchée explicitement par Garnier et parfois elle est même théorisée.
Le nouveau poète (tout comme son “lecteur”) doit acquérir une conscience spatiale spécifique. Ainsi le matiérisme de la parole exaltera-t-il, de manière paradoxale, sa valence transcendante, puisque c’est dans la dimension spatiale qu’elle apparaît comme le synonyme de la pureté absolue. Le mot a une valeur en soi et ne renvoie à rien d’autre qu’à lui. Dans cette optique, le poème paraîtra “instable”, tant du point de vue visuel que conceptuel, à travers des ouvertures et des profondeurs perspectives (ou prospectives) toutes comprises dans le texte, sans aucune sortie externe. De là, tout le sens des choix structurels (et formels) opérés en insistant sur le mot-objet, souvent avec des interventions presque chirurgicales, parfois en jouant sur la plasticité de la répétition ou sur le trouble causé par la permutation. Des amoncellements, des convergences, des concertations, des focalisations, mais également des démembrements, sont réalisés dans une partie tout à la fois fantasmagorique et élémentaire de vibrations, de constellations, pour citer Gomringer, qui soulignent la réciprocité des influences entre la parole et l’espace. La constellation, en effet, est établie par le poète qui détermine l’espace. L’espace détermine la valeur des corpuscules disséminés en des figurations libres. Et les constellations de corpuscules déterminent la valence de ce même espace. C’est une façon de concevoir la syntaxe et de soutenir la valeur en soi de la poésie. Selon Gomringer, avec la constellation, on met quelque chose au monde : la constellation est une réalité en soi et non un poème sur quelque chose d’autre.
Slides (a cura di Giovanni Fontana)
Comme dans les “Poèmes mécaniques”, des paysages improbables sont dessinés, passant du visible à l’invisible, à travers la croissance progressive de regroupements de corpuscules de lettres, de phonèmes, en partant du silence vers l’écho, ainsi des espaces acoustiques se dessinent-ils, en déformant l’espace géométrique afin d’entrer dans le flux polydimensionnel du temps, qui devient un espace “autre”, un espace “au-delà”, au-delà de toute limitation planimétrique et volumétrique.
En travaillant avec le son, Pierre Garnier confirme ses principes Spatialistes. L’espace visuel devient espace vital impalpable, où on peut sentir la haleine du poète. Il remplace la géométrie avec la conscience acoustique. En fait, la poésie sonore est une forme absolue de poésie spatiale. À cet égard, je tiens à rappeler que Paul Zumthor, dans son analyse critique des années quatre-vingt du XX siècle, a parlé en effet de poésie sonore comme poésie de l’espace.[1]
Et avec l’espace sonore du poète, nous entrons dans une dimension à la plasticité nouvelle. Celle qui, avec fluidité, privilégie les séquences qui se succèdent les unes aux autres, dans un flux continu.
Dans la poétique de Pierre Garnier (et d’Ilse, qui a joué dans ce contexte un rôle théorique et créatif déterminant), un des fondements de la poésie est le “souffle”. Le souffle “transforme le corps en lumière”, réalise la métamorphose du “sang lourd” en fluide éthéré.[2] Le souffle est un élément de communion entre la corporéité et l’incorporéité. Par une référence évidente à l’alchimie, Pierre Garnier le compare à une roue fulgurante qui, dans son mouvement, d’un côté, s’enfonce dans la terre sèche ou putride, mais de l’autre, frôle “le ciel, les ailes, les anges” : le souffle consume les corps ; l’univers poétique est créé par le vidage de ce même univers ; là le corps doit être réinventé. Pierre Garnier écrit encore : “J’appelle poésie la connaissance du souffle”. Puis : “Je respire, donc l’univers est […]. Et si l’univers est, je peux me réinventer”[3] : me réinventer en tant que partie de l’univers que j’ai moi-même dessiné. L’énergie du souffleet, la puissance de la respiration donnent au poète la possibilité de créer de nouveaux univers. La “Sonie”, nouvel art du son, doit franchir la barrière des langages pour redécouvrir l’énergie du langage. La “Sonie” doit renoncer à l’expression pour se transformer en énergie pure.
Pour Garnier, le souffle est une essence malléable signifiante. En annulant la poésie traditionnelle en vers, faite de mots, de phrases articulées linéairement, le poète soutient la nécessité de redéfinir radicalement les espaces créatifs en abattant toute convention ; mais le souffle n’est pas utilisé dans un sens réductif, dénué de structures de création ; au contraire, il doit amplifier les espaces et élargir les horizons.
À partir du souffle on peut réinventer une langue, avec de nouvelles formes de construction qui ne seront plus organisées selon la triade sujet-prédicat-complément.
À partir du souffle, un autre corps, un autre esprit, une autre langue, une autre pensée peuvent naître. “Je peux réinventer un monde et me réinventer”, en libérant la poésie de son poids, du poids des phrases et des mots. Le souffle est énergie, vibration, ondulation, radiation.
Dans son “Souffle manifeste ” (1962) Garnier parle de “combustion de corps ”. Il dit que “Le souffle souffle sur les corps et les consume… car tout se passe ici… ici tout se crée et se défait… c’est le lieu de l’être et ne pas être… corps et esprit ”. Et je crois qu’ici, en cette perspective, Pierre Garniera certainement pensé à Giordano Bruno et à son concept de “spiritus” en tant que souffle vital, respiration universelle.[4]
Etant parvenu à capter toute la “magie” du souffle en tant que substance sonore, grâce à l’utilisation du magnétophone, qui a joué un rôle important dans la poésie sonore de ses débuts, Pierre Garnier ne se contente pas de cela et aspire à d’autres univers créatifs et communicatifs impalpables. “À présent je peux attendre. Attendre jusqu’à ce que de nouvelles machines permettent de travailler avec un souffle plus profond que le souffle même, avec les énergies et les ondes”.[5] Il entrevoit l’explosion d’un nouvel univers technologique, d’une nouvelle civilisation dans laquelle les ondes et les vibrations seront considérées comme un medium communicatif direct, sans “l’intermédiation lourde du langage”, dépassant l’idée même d’objet sonore. Comme si l’on pensait à un monde du silence, à un monde situé au-delà des limites du son, dont le souffle représente la frontière, où l’on puisse tirer profit des charges électromagnétiques du corps et des vibrations télépathiques de l’esprit pour atteindre des empathies communicatives singulières : un monde immatériel, constitué d’énergie pure, dans lequel les sujets se perdent dans la pureté du flux de la communication.
L’image singulière de la roue du souffle de Pierre Garnier qui frôle les anges[6] renvoie à la langue des créatures célestes sur laquelle Cornélius Agrippa[7] s’exprimait en ces termes : “La façon de parler des anges, tout comme leur figure, échappe à notre compréhension. Nous ne pourrions pas parler sans la langue et sans les autres organes de la parole que sont la gorge, le palais, les lèvres, les dents, les poumons, l’artère spirituelle et les muscles pectoraux, qui reçoivent de l’âme leur impulsion. Pour parler à une personne distante, il faut élever la voix et pour parler à une personne proche, il suffit de lui murmurer les mots à l’oreille. Si chacun pouvait réduire à zéro son propre souffle et s’identifier presque avec celui qui écoute, le mot n’aurait besoin d’aucun son pour être entendu, mais s’insinuerait dans l’auditeur comme l’image dans l’œil ou dans le miroir. De cette façon, les âmes séparées des corps, les anges et les démons parlent et l’effet, produit par l’homme avec la voix sensible, les anges l’obtiennent avec l’impression de l’idée de la parole chez ceux avec lesquels ils parlent, avec un résultat plus efficace que celui obtenu grâce à la voix matérielles”.[8] Mais l’Ange ne transmet pas des notions déjà acquises, il n’adapte pas son signe à des “états de fait”. Pour paraphraser Michel De Certeau et se référant à son essai Le parler angélique,[9] le philosophe Massimo Cacciari dit que l’Ange n’est pas non plus un simple modèle d’une organisation linguistique parfaitement évidente, claire, apte à garantir la communication totale, sans équivoque. L’Ange dit qu’il y a à dire et qu’il y a le dire. Il dit que l’on doit devenir Verbe. Soyez créatifs, soyez “poietaí” du Verbe, “factores” et pas seulement des auditeurs [cfr. Genèse, 1, 22].[10]
La poésie du souffle d’Ilse et Pierre Garnier est le lieu dans lequel le germe même de la culture plonge ses racines dans la nature. La “Sonie” est concrète parce qu’elle échappe à l’énoncé de la pensée, à l’explication que la langue continuellement donne d’elle-même. “Mais – affirme Pierre – nous devons aller au-delà, nous devons dépasser l’idée d’objet sonore, l’idée même d’œuvre”.[11] La “Sonie”, selon Ilse, introduit le concept de poème-action en tant que moment-mouvement structurel qui transmet à la mémoire l’empreinte de sa propre structure.[12] Ainsi apparaît bien nettement l’aspiration à une véritable et authentique “reconstruction de l’univers”, considérant la voix comme fondement, comme élément vital, comme corpus et spiritus, comme anima et animus, comme union d’Eros et Thanatos, comme flatus androgyne,[13] comme énergie organisatrice, comme catalyseur métamorphique, comme souffle transformateur. Le souffle vivifiant (qui représente également la mise en vibration des grumeaux verbaux dans l’espace visuel) est donc considéré comme une véritable pierre philosophale. Mais il sera à la fois tout et rien, tout comme le mot qui “existe et n’existe pas… qui n’existe pas et existe, tout en n’existant pas du tout […]. Ainsi est le mot dont je me sers pour construire mon poème qui, à son tour, est constitué de mots. Oui et non, en une oscillation perpétuelle sur la page. Etre et ne pas être. Voilà la réponse”.[14]
Dans cette dimension vitale, sous le signe de la sonorité, se développe le rapport avec le poète japonais Seiichi Niikuni.
L’échange d’expériences dans le domaine de la créativité suit l’étonnement mutuel initial, quand ils découvrent que leurs conceptions poétiques coïncident à bien des égards. Cela déclenche une séquence serrée de sessions opérationnelles : un duo d’écriture mis en œuvre dans les différentes phases, reliées par le fil de l’empathie. Le dénominateur commun est la sensibilité spatiale. Les chemins de lecture deviennent intrigants, les niveaux se multiplient. Une sorte de complicité dans le traitement du mot comme une entité physique métamorphique est mise en œuvre, presque en parfaite harmonie avec les théories scientifiques les plus avancées, qui considèrent la matière comme de l’énergie et vice versa. C’est pour cette raison que le texte, envisagé comme une entité matérielle, dépend de l’énergie qui est, par conséquent, le facteur de forme. En réalité, cela se produit grâce à la relation spatiale des processus qui sont mis en œuvre à la fois dans la phase de conception et dans la phase de composition ; les éléments sont soumis à des séquences de mobilité, articulées by mail avant d’atteindre leur équilibre, qui devrait être considéré comme provisoire au moment où le lecteur intervient comme re-créateur en phase de lecture. L’espace, en fait, ne semble pas un simple connectif, mais un véritable catalyseur. Par conséquent, une nouvelle syntaxe, un nouvel équilibre, de nouvelles structures, de nouvelles textures, de nouvelles façons de relier les éléments entrent en jeu, en se référant, toutefois, à deux langues diamétralement opposées : le français et le japonais.
L’intention est, cependant, de surmonter les barrières linguistiques, en se référant à des mots flottants, qui, du point de vue sémantique, sont chargés de féconder l’ambiguïté. Et ces mots semblent se rapporter à la notion de “signifiant flottant ” exprimée par Claude Lévi-Strauss. On observe, en fait, des fluctuations constantes des signifiés, à cheval sur différents signifiants, entre le geste et le son, le mot et le rythme. Ces signifiants sont pleins de formes inaltérées, de symboles à l’état pur, susceptibles de prendre n’importe quel contenu symbolique. La fonction principale du “signifiant flottant” serait d’agir, en tant que médiateur, entre les codes : fonction d’échange qui mène à la notion de mana. Et puis en revenant au concept,bien cher à Garnier, du cycle continu du changement, qui caractérise la relation entre la matière et l’énergie, qui lie inextricablement Eros et Thanatos, pôles fondamentaux de l’existence, il faut souligner qu’on le retrouve, identiquement, dans la dialectique de la relation Yin/Yang de la philosophie orientale! Ce dynamisme intérieur mène à une idée de la poésie comme processus. Bien que le plan strictement sémantique soit lié aux langues nationales, les fusions, les intersections, les procédures mises en place, les échanges d’énergie déclenchés par les deux poètes favorisent la poésie supranationale qu’ils ont théorisée.
Dans cette perspective, la capacité de lire les œuvres selon les règles bien testées de la vision, qui se réfèrent aux équilibres géométriques, aux tensions internes, aux valeurs des textures, est très fonctionnel. À cet effet, par exemple, la lecture selon les principes théorisés par Rudolf Arnheim devient particulièrement utile : on pourrait adopter (au moins en grande partie) les critères utilisés pour analyser le travail visuel. Bien sûr : Garnier insiste sur le fait que la poésie visuelle n’est pas une forme d’alliance entre la poésie et la peinture et que la poésie visuelle est une poésie à l’état pur, mais la notion de poésie est ici considérablement amplifiée. C’est immédiatement évident qu’elle n’est plus un fait éminemment littéraire, mais, plus largement, artistique. Les procédures adoptées par les deux poètes, et les résultats obtenus, montrent également que le geste poétique, en fait, est lié à la notion de poésie comme un moment, plus généralement, créatif : faire = poiein
Par ailleurs l’intention de Garnier et Niikuni est l’exploration des potentialités poétiques signifiantes du visuel, du son, mais aussi de l’action. La nature expérimentale de la poésie spatialiste, bref, justifie pleinement les expériences d’écriture à quatre mains. C’est un véritable laboratoire de recherche qui prend en charge la nature non conventionnelle des techniques et des modes de composition.
Le partage de l’univers conceptuel, avec tout ce qui concerne l’importance de l’espace de la page, de la relation entre la poésie, les arts visuels et le son, implique également une nouvelle conception de l’espace des relations, comme lieu de l’action créatrice, qui, en outre, est porteur de sens en soi, étant la révélation d’un modus de composition enrichi avec des composants spécifiques liés au corps des poètes: le geste, la voix.
Par conséquent, dans ce point de vue, le même processus de composition, à distance, acquiert la dignité poétique. C’est une sorte de sublimation de la performance ! Mais, peut-être, la chose la plus intéressante est que, dans ce corps à corps, le public intervient comme partie active. Marianne Simon-Oikawa observe nettement que “Le poète dispose, l’image propose, le lecteur interroge. Et son interrogation est parfois profonde, surtout dans les cas où les combinaisons sémiotiques sont particulièrement complexes ”.
Le lecteur est invité à entrer dans l’espace, car l’espace est un milieu qui ne peut pas et ne doit pas être observé de l’extérieur. Pour avoir une perception correcte il est nécessaire d’y entrer et de le percevoir comme cela se passe dans l’architecture.
D’ailleurs : “Le spatialisme a pour but le passage des langues nationales à une langue supranationale et à des œuvres qui ne sont plus traduisibles mais transmissibles sur une aire linguistique de plus en plus étendue “. Si l’auteur souligne que “…la transmission, qui prétendait évacuer la valeur sémantique des mots, reposait en réalité sur la traduction elle-même”, dans le même temps on peut vérifier que “l’utilisation de l’espace et de la matérialité des mots permettrait d’élaborer des textes compréhensibles par des hommes de tous les pays ”.
En effet on devrait également prendre en compte une compréhension intuitive et la liberté d’interprétation et de re-création du poème (qui doit être considéré comme un prétexte à un acte créateur de l’interprétation) pour un décodage vraiment créatif. Je crois que, dans la réalité, les efforts ajoutent un “ surplus” à quelque chose qui a déjà son propre caractère. La logique est structurelle – plus globale qu’analytique. Dans ce contexte, le sémio-texte passe dans l’arrière-plan par rapport à sa configuration matérielle propre.
https://www.fondazionebonotto.org/it/collection/poetry/garnierpierre/5/10306.html?from=11544
Tout devient beaucoup plus évident dans les expérimentations sonores, où le texte est presque complètement remplacé par des éléments infra-linguistiques, par des “articulations” liées à la dimension vocale pure, au grain de la voix, au flatus vocis communs à toute l’humanité. “La poésie phonique (onsoshi pour Niikuni) traite les mots et les phrases, qu’elle prend tels quels, comme des objets ou des noyaux d’énergie”, comme il est écrit sur la pochette du vinyle Columbia.
* Ad Amiens, in Picardie (Francia), è in piena attività l’Association Ilse & Pierre Garnier, fondata da Violette Garnier, figlia dei due poeti, per promuovere studi specialistici, ma anche per offrire informazioni ad un pubblico più vasto sulla loro opera e sulle teorie dello Spazialismo, da loro creato negli anni Sessanta. L’Associazione ha anche lo scopo di organizzare e sostenere eventi che permettano una migliore conoscenza, non solo dei due poeti, ma anche delle loro aree di influenza, mantenendo e sviluppando le loro relazioni internazionali.
Giovanni Fontana proporrà a ZRAlt alcuni dei suoi studi sollecitati dall’Associazione. Il suo primo contributo è dedicato Pierre Garnier (Amiens, 1928 – Saisseval, 2014). Quelli che seguiranno estenderanno l’interesse all’opera di Ilse (Kaiserslautern, Germania, 1927 – Saisseval, 2020).
[1]P. Zumthor, Poesia dello spazio, Nuovi territori per una nuova oralità, dans “La Taverna di Auerbach”, n° 9/10, autunno 1990.
[2]P. Garnier, Un art nouveau : la sonie, in “Les Lettres”, n° 31, 1963.
[3] Ibidem.
[4]G. Bruno, De magia. De vinculis in genere [édité par A. Biondi], Edizioni Biblioteca dell’Immagine, Pordenone 1986.
[5]P. Garnier, Op. cit.
[6] “Le souffle est la roue fulgurante qui longe d’un côté le sec et le pourri – et de l’autre le ciel, les ailes, les anges”. Dans P. Garnier, Op. cit.
[7]Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim (Colonia, 1486 – Grenoble, 1535).
[8]C. Agrippa, De occulta philosophia, avec le titre Le arti magiche, Fratelli Melita Editori, Genova, 1988.
[9] Dans Il parlare angelico. Figure per una poetica della lingua, édité par C. Ossola, Firenze 1989.
[10]M. Cacciari, L’angelo necessario, Adelphi, Milano 1986.
[11]P. Garnier, Op. cit.
[12]I. Garnier, Fin du monde de l’expression, dans “Les Lettres”, n° 31, 1963.
[13]G. Fontana, La voce in movimento. Vocalità, scritture e strutture intermediali nella sperimentazione poetico-sonora, Ed. Harta Performing & Momo, Monza, 2003.
[14]P. Garnier, Entrevue de M. Lengellé dans Le Spatialisme, Éd. André Silvaire, Paris, 1979.
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